Ecologie, génétique

Le modèle infinitésimal de Fisher : une approche « microscopique »

Amandine Véber (MAP5, CNRS et Université Paris Cité)

Le modèle infinitésimal, dans sa formulation classique, a été introduit par Fisher en 1918. Depuis lors, il reste un modèle fondateur en génétique quantitative. Ce modèle s’intéresse à un trait individuel (i.e., un phénotype héritable de parents à descendants) que l’on suppose résulter de la somme de contributions « infinitésimales » d’un très grand nombre de gènes. Il stipule alors que le trait des enfants suit une loi normale centrée en le trait moyen des parents, avec une variance indépendante de la valeur des traits parentaux. Dans cet exposé, nous présenterons une justification de cette approximation gaussienne reposant sur une modélisation explicite de la contribution de M gènes et de leur transmission suivant les lois de Mendel, qui permet de retrouver une loi gaussienne à la limite lorsque M tend vers l’infini et permet également de contrôler l’erreur entre la distribution gaussienne limite et la distribution des traits obtenue en supposant M fini. Travail en collaboration avec Nick Barton (IST Austria) et Alison Etheridge (Université d’Oxford).

 

Sélection sur des traits polygéniques dans les populations autogames

Matthew Hartfield (University of Edinburgh) et Sylvain Glémin (CNRS, ECOBIO Rennes)

De nombreux traits phénotypiques sont polygéniques, c'est-à-dire qu'ils sont déterminés par un grand nombre de gènes sur l’ensemble du génome. La sélection agissant sur ces traits a été largement étudiée dans le cadre de la génétique quantitative mais principalement dans des populations où la reproduction se fait au hasard (populations panmictiques). Cependant, de nombreuses espèces, en particulier chez les plantes, sont capables d’autofécondation au moins partielle. L’autofécondation a de nombreuses conséquences génétiques car elle modifie la façon dont les gènes sont transmis d’une génération à la suivante. En particulier elle réduit la diversité génétique et l’efficacité du brassage génétique, ce qui pourraient limiter les capacités d’adaptation des espèces fortement autofécondantes, faisant de l’autofécondation un « cul de sac évolutif » comme initialement proposé par Stebbins en 1957. Cependant ces prédictions sont difficiles à étudier formellement du fait de la complexité générée par l’autofécondation qui induit des corrélations à l’échelle de l’ensemble du génome. Dans ce travail nous utilisons des simulations pour étudier comment l'autofécondation affecte l'adaptation à un nouvel environnement, en particulier pour relier l’évolution des traits aux variations génomiques sous-jacentes. Nous montrons que l’autofécondation n’a que peu d’effet sur l’efficacité et la vitesse de l’adaptation mais peut affecter fortement la structure génomique sous-jacente, induisant en particulier la formation de « block génomiques » qui peuvent persister au cours du temps. Nous discutons l’implication de nos résultats pour les analyses de génomiques de l’adaptation chez les espèces autogames et pour l’évolution sur le long terme.